Alain, 40 ans. J’avais trente ans quand mon ami est mort.

J’étais à l’époque cadre dans une multinationale.

Je gagnais très bien ma vie et l’assurance groupe de mon employeur me donnait une couverture parfaite.

Les choses ont commencé à aller moins bien au sein de l’entreprise suite à un changement de direction. J’ai alors décidé de prendre une nouvelle orientation professionnelle et je me suis installé en tant qu’indépendant. Ma mutuelle m’a alors proposé de prendre une assurance avec revenus garantis. Pour y avoir droit, j’ai dû passer une visite médicale lors de laquelle le médecin m’a fait une prise de sang. A l’issue des analyses, le médecin conseil m’a fait savoir qu’il y avait un problème et que je n’avais pas droit à l’assurance complémentaire. Il ne m’a rien dit de plus et a transmis mon dossier à mon médecin traitant.

Celui-ci m’a appris que les analyses de sang avaient détecté une infection par le virus VIH. Je n’étais pas spécialement surpris par ce diagnostic car je sortais d’une période où j’avais pris des risques. Ce qui m’a surpris, c’est de l’apprendre dans ce contexte, étant donné que le médecin-conseil ne m’avait même pas signalé que le test au VIH allait être réalisé.

Les ennuis ont alors commencé. Si je voulais continuer à travailler comme indépendant, il fallait que je m’assure contre les petits risques, ce que ma séropositivité m’interdisait. Si je voulais par sécurité rechercher un nouveau travail comme cadre dans le secteur public ou privé, je m’exposais à la forte probabilité de subir un test à l’embauche.

J’ai malgré tout continué à travailler comme indépendant quelques temps. C’était un boulot très dur et très stressant. J’ai eu un zona qui a servi de signal d’alarme. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas continuer à m’épuiser comme ça en étant malade. J’ai alors arrêté et heureusement, j’avais encore droit au chômage. Ma vie a néanmoins pas mal changé, j’ai dû rembourser les dettes que j’avais contractées en tant qu’indépendant, j’ai dû vendre quasiment tous mes biens.

La leçon que je retire de tout ça, c’est que rien n’est jamais acquis. Vous occupez une place relativement privilégiée dans l’échelle sociale, vous avez un train de vie confortable et du jour au lendemain vous vous retrouvez coincé avec le strict minimum. Vous avez cotisé quand vous étiez en bonne santé mais une fois que vous tombez malade, le principe de solidarité ne joue plus. A cette époque-là, j’ai fait une dépression et j’ai été suivi par un psychothérapeute. J’ai eu de la chance d’avoir ma famille, qui m’a soutenu et qui m’a aidé. Je ne peux pas m’em- pêcher d’éprouver un sentiment de révolte contre le système. Il faut faire preuve d’énormément de volonté et d’optimisme pour sortir indemne de ce genre de problèmes."

Auteur: Alain, le 25 Novembre 2002